Première leçon Dior par Jonathan Anderson 

Juil 2, 2025 | Brands, Culture, Fashion

Depuis l’annonce de sa nomination à la direction artistique de Dior Femme, Jonathan Anderson attise toutes les attentes. Déjà à la tête de la ligne masculine, il devient le premier designer depuis Christian Dior à diriger les deux lignes en simultané. Une décision stratégique forte de la maison, qui confie les rênes de son héritage à un créateur aussi conceptuel que populaire. Et s’il y avait bien un nom capable d’enclencher une nouvelle dynamique : c’est le sien.

Un teasing millimétré, version Anderson

Comme à son habitude, Jonathan Anderson soigne le mystère. Les invitations au défilé prennent la forme… d’une assiette en porcelaine garnie de trois œufs en céramique — rapidement érigée en objet collector. Sur les réseaux sociaux, les indices se multiplient : une photo de Basquiat par Warhol, un portrait de Lee Radziwill, des variations littéraires du sac Book Tote, et une nouvelle campagne avec Kylian Mbappé. Le message est clair : Anderson plonge dans l’histoire de Dior, pioche dans les archives et y sème sa vision, faite de dialogues entre culture pop, références muséales et haute couture.

Une première collection ovationnée

Pour sa première collection masculine, présentée dans le décor solennel de l’Hôtel national des Invalides, Jonathan Anderson signe un acte de naissance stylistique. En tout, 67 silhouettes : un patchwork raffiné de fragments biographiques, d’hommages et d’expérimentations.

Dès le premier look, la veste Bar – icône du New Look féminin – est réinterprétée dans une version masculine, associée à un short ample. L’exercice de style est maîtrisé : Anderson transgresse les lignes sans trahir l’esprit Dior. Plus loin, un jean baggy à couture diagonale est associé à un gilet cropped, pour une silhouette hybride, chic mais relâchée. Le même look, en version inversée, revient ensuite dans des tons clairs, comme un jeu de miroir.

La collection multiplie les détails dissonants mais poétiques : cravates nouées à l’envers, nœuds papillons portés à même la peau, cape-pull démesurée. Le héros Andersonien n’est ni prince ni businessman : c’est un anti-héros littéraire, un garçon rêveur, mélancolique, parfois presque hors du temps.Certaines pièces flirtent même avec le surréalisme : une combinaison blanche boutonnée, qui évoque une grenouillère chic, est portée avec des sandales en daim façon « méduses ». Ailleurs, un veston d’officier est contrebalancé par des sneakers d’inspiration skate. L’homme Dior se balade entre les époques, les genres et les influences.

Un show suivi jusque dans les bars parisiens

Pendant que les invités privilégiés découvrent leur assiette de collection, d’autres réinventent l’expérience. À l’initiative du créateur de contenu @Lyas, une watch party s’improvise dans un bar du 10e arrondissement. Privé d’invitation après avoir été convié sous l’ère Maria Grazia Chiuri, il décide de réunir fans et curieux autour du livestream du défilé. Résultat : une ambiance détendue mais vibrante, où la mode s’apprécie collectivement.

Ce moment résume ce que Jonathan Anderson apporte déjà à Dior : une démocratisation du désir, un sens du partage, et un dialogue vivant entre culture populaire et haute création. Il manie l’héritage comme un terrain de jeu, le passé comme une matière vivante. Et surtout, il parvient à y inscrire sa propre écriture, sans effacer celle du fondateur.

La nouvelle ère Dior est en marche. Et elle a déjà trouvé son langage.

Article de Julie Boone