Quarante ans après sa première apparition sur la Croisette, Juliette Binoche revient à Cannes, cette fois en tant que Présidente du Jury. Une fonction à la hauteur de cette comédienne à l’élégance rare, dont l’allure minimaliste mais audacieuse captive autant que son parcours cinématographique.
Pour cette 78e édition, le Festival de Cannes a porté son choix sur Juliette Binoche, succédant ainsi à Greta Gerwig. Une décision forte, marquant un changement discret mais symbolique : jamais deux femmes ne s’étaient enchaînées à la tête du jury depuis la création du festival. En Binoche, Cannes honore un cinéma d’auteur exigeant, tout en affichant un engagement accru en faveur de la représentation. Actrice emblématique du cinéma français, couronnée aux César, aux Oscars et à Cannes (Prix d’interprétation pour Le Patient anglais), Juliette Binoche incarne une forme de modernité sobre et affirmée, qui vient contrebalancer l’exubérance habituelle de la Croisette.
Une relation de longue date


La relation entre Juliette Binoche et Cannes commence il y a tout juste quarante ans. En 1985, elle gravit pour la première fois les marches avec Rendez-vous d’André Téchiné, qui remporte alors le Prix de la mise en scène. Ce jour-là, elle porte une veste en velours noir et une écharpe rouge éclatante : une silhouette iconique des années 80, à la fois timide et affirmée, qui annonçait déjà un style personnel, affranchi des canons traditionnels de beauté. Depuis, Juliette Binoche a multiplié les venues à Cannes, que ce soit pour défendre ses rôles ou accompagner les œuvres d’auteurs qu’elle soutient. De Copie Conforme à Polina (danser sa vie), de Camille Claudel 1915 à Clouds of Sils Maria, sa présence sur la Croisette est toujours porteuse de sens, loin du simple apparat glamour.
Une allure reconnaissable entre mille
Que ce soit sur tapis rouge ou au quotidien, elle privilégie les teintes franches — noir profond, bleu nuit, beige, rouge intense — et des coupes épurées, parfois amples. Aucun artifice : chez elle, le vêtement n’éclipse jamais la personne. Il accompagne le geste. En 2010, lors de la présentation de Copie Conforme, elle étonne avec un costume noir revisité — veste sans manches sur peau nue, larges revers blancs et sarouel ample — porté avec une aisance presque rock. En pleine époque indie-sleaze, elle adopte cette esthétique décontractée et underground, sans jamais tomber dans le mimétisme. L’actrice reste fidèle à une garde-robe sophistiquée, pensée dans les moindres détails, où l’élégance prime sur l’extravagance. Cette année encore, elle brille dans cette veine avec une silhouette drapée Dior Couture à capuche intégrée, évoquant une madone contemporaine. Pour parfaire le tout, Juliette Binoche a opté pour une paire de boucles d’oreilles Chopard, fidèle partenaire du Festival. Une fois de plus, c’est un sans-faute.
Muse discrète
Derrière une retenue assumée, Juliette Binoche reste une référence respectée dans l’univers de la mode. Invitée régulière des premiers rangs Prada, elle ne manque jamais une occasion d’assister aux défilés milanais. Pour la collection FW26 de la maison italienne, elle ose une silhouette masculine affirmée : k-way technique orange sous un blazer en peau à épaules larges, pantalon oversize tombant sur des boots épaisses — signature de la marque. Un assemblage inattendu qui confirme sa capacité à expérimenter, composant une féminité unique, loin des tenues plus attendues des autres invitées. Dernièrement, à son arrivée à l’aéroport de Nice pour Cannes, elle est aperçue en total look Tory Burch : jean délavé, trench beige et touches bordeaux, une tenue simple, intemporelle, idéale pour la mi-saison.

Si elle apparaît aujourd’hui aux défilés des plus grandes maisons, Juliette Binoche a toujours gardé ses distances avec les collaborations commerciales. Seule exception notable : sa campagne pour le parfum Poême de Lancôme dans les années 1990. Une rareté médiatique frappante, puisqu’il s’agit encore aujourd’hui de l’unique publicité qu’elle ait acceptée. Une exception qui souligne sa singularité : Juliette Binoche incarne une certaine idée de l’élégance française, sans jamais en faire un produit de consommation. Fidèle à elle-même, elle préfère prêter son image à des projets artistiques exigeants plutôt qu’à des campagnes promotionnelles.En lui confiant la présidence du Jury, Cannes met à l’honneur une artiste dont les choix — qu’ils soient cinématographiques ou stylistiques — traduisent une constante volonté de s’affranchir des cadres préétablis. Juliette Binoche s’impose sans bruit, avec une distinction qui en dit autant sur elle que les rôles qu’elle incarne.
Article de Julie Boone.