Lauréate du Vanguard Award lors des Fashion Awards, la créatrice turque Dilara Fındıkoğlu s’impose en 2025 comme l’une des figures majeures de la mode contemporaine. Son univers radical, nourri de références historiques et d’une féminité pleinement revendiquée, bouscule les conventions du vestiaire féminin et affirme une vision puissante, sans compromis.
D’Istanbul à Londres : une trajectoire affirmée
Avant même ses vingt ans, Dilara Fındıkoğlu quitte Istanbul pour Londres, où elle intègre la Central Saint Martins. Cette institution a formé des créateurs devenus emblématiques, et l’expérience se révèle décisive pour la jeune designer. En stage de fin d’études, elle rejoint Maison Margiela, un passage qui aiguise son sens de la couture, du détail et de la construction.
Spécialisée dans un prêt-à-porter féminin à l’ADN couture très marqué, Fındıkoğlu conçoit la mode comme un outil de subversion. Son ambition : créer des vêtements qui accompagnent les femmes à travers les différentes étapes de leur vie, sans les contraindre ni les réduire. Après plusieurs expériences au sein de maisons établies, elle lance son label éponyme — un choix fréquent chez les créatrices, souvent contraintes de fonder leur propre structure pour accéder à une véritable direction artistique.
Dès 2017, elle attire l’attention du milieu en atteignant les demi-finales du LVMH Prize, une reconnaissance précoce qui révèle un talent singulier, la plaçant aux côtés de la lauréate française de l’époque, Marine Serre.
Une esthétique à la croisée des époques
L’univers de Dilara Fındıkoğlu se distingue par un dialogue constant entre les périodes. Le médiéval et le victorien s’y rencontrent pour donner naissance à des silhouettes théâtrales, pensées comme des manifestes de puissance féminine. Corsets sculpturaux, armatures apparentes, traînes imposantes et laçages sophistiqués constituent sa signature visuelle. Sa palette — dominée par le noir, le chair et le rouge — se déploie sur des matières comme la dentelle, le cuir ou le mesh, accentuant la tension entre force et vulnérabilité.
Même les titres de ses collections prennent valeur de déclaration : Cage of Innocence (Printemps-Été 2026), Venus from Chaos (Automne-Hiver 2025) ou No Man’s Territory (Automne-Hiver 2023). Des noms qui traduisent une volonté claire de questionner les normes, d’explorer l’identité féminine et d’affirmer une liberté souvent niée.
Reconnaissance croissante, fragilité persistante
L’aura de Dilara Fındıkoğlu dépasse aujourd’hui le cercle des initiés. Des artistes et personnalités internationales comme Rosalía, Ice Spice ou Kim Kardashian ont récemment porté ses créations, contribuant à leur visibilité mondiale. Son travail est également salué par des figures influentes de la critique mode, notamment Lyas, qui a mis en lumière son défilé Cage of Innocence lors de projections publiques dédiées.
Parallèlement, la créatrice multiplie les collaborations avec des labels internationaux : heavn — le label imaginé par Marc Jacobs — ou khy, la marque de Kylie Jenner. Ces projets permettent de démocratiser partiellement son univers, même si ses pièces restent positionnées sur un segment luxe : environ 2 000 euros pour une robe, jusqu’à 5 000 euros pour une veste.
Malgré cette reconnaissance internationale, l’indépendance a un coût. En janvier 2024, faute de financements suffisants, Dilara Fındıkoğlu doit renoncer à présenter sa collection à la Fashion Week de Londres. Un rappel brutal de la précarité structurelle qui touche de nombreux créateurs indépendants — et plus encore les femmes, confrontées à des obstacles supplémentaires dans l’accès aux ressources.
Lauréate du Vanguard Award en 2025, Dilara Fındıkoğlu incarne une génération de créatrices qui repensent le vêtement féminin comme un langage à part entière. Ses collections ne se contentent pas d’habiller : elles racontent, questionnent et célèbrent la pluralité des identités féminines. Plus qu’un nom à suivre, elle s’affirme comme une voix forte de la mode contemporaine, capable d’inspirer et de redéfinir ce que signifie être femme aujourd’hui.
