Longtemps reléguée aux années 2010, moquée et oubliée, la basket compensée revient aujourd’hui sur le devant de la scène. Nouvelle obsession passagère ou véritable réhabilitation ? Quoi qu’il en soit, son retour divise autant qu’il fascine. Zoom sur cette renaissance qui ne laisse personne indifférent — avec en première ligne Isabel Marant, mais aussi les réseaux sociaux et le marché de la seconde main.
L’icône Bekett et son héritage
Impossible d’évoquer la basket compensée sans parler du modèle Bekett d’Isabel Marant. Véritable star de son époque, elle s’est vendue à plus de 200 000 exemplaires. Les It Girls l’adoraient : Beyoncé la portait dans son clip Love On Top, tandis qu’A$AP Rocky la citait dans Fashion Killa aux côtés de Dior ou Goyard. Une consécration pour cette sneaker hybride, mi-sportive mi-haute couture.


En 2021, Isabel Marant a tenté de rééditer le concept avec les Balskee, une version plus chunky, avant de collaborer avec Converse pour une Chuck Taylor compensée (190 €). La Bekett (590 €), elle, reste l’icône absolue, symbole d’une époque marquée par les jeans skinny, les sacs Céline Luggage et les filtres Retrica.
Un revival qui divise mais s’impose
Selon l’Index Lyst, les recherches liées à la basket compensée ont bondi de +630 % au deuxième trimestre 2025, la plaçant parmi les dix articles les plus recherchés au monde. Aux côtés de pièces tout aussi controversées — les tongs The Row, les Vibram FiveFingers ou encore les mocassins en suédine Miu Miu —, elle alimente un véritable débat mode.
Certain·es y voient un retour bienvenu d’un objet culte, d’autres une régression stylistique. Pourtant, le mouvement semble amorcé, et pas seulement sur les podiums.
Les réseaux sociaux en moteur
Le rôle des réseaux sociaux est central dans cette réhabilitation. Sur TikTok et Instagram, les vidéos « 2010s revival » se multiplient. Des créatrices comme Marie Gaguech, MV Tiangue ou Rubi Pigeon affichent leurs looks nostalgiques : jeans flare taille basse, tops Y2K et bracelets massifs, le tout complété par une paire de Bekett.



Pour la Gen Z, qui n’a parfois jamais porté ce modèle lors de son apogée, la basket compensée devient un objet vintage désirable. Une nouvelle preuve que la mode, plus que jamais, adore rejouer ses paradoxes.
La seconde main, entre nostalgie et durabilité
Sur les plateformes comme Vinted, Vestiaire Collective, Depop ou Leboncoin, les modèles signés Isabel Marant, Ash ou Steve Madden s’arrachent. L’engouement ne s’explique pas seulement par le prix élevé du neuf (près de 500 à 600 € la paire), mais aussi par une envie de réparer une frustration adolescente : celle de ne pas avoir eu accès à cette it-shoe lors de sa première vague de succès.


Acheter une paire en seconde main, c’est à la fois retrouver un fantasme de jeunesse et affirmer une consommation plus responsable. Loin d’être une solution de repli, la seconde main devient un choix réfléchi, valorisant l’authenticité et la rareté des modèles d’époque.
Fausse tendance ou vrai retour ?
Reste une question : ce revival s’inscrira-t-il dans la durée ou s’essoufflera-t-il une fois la vague nostalgique passée ? Ce qui est certain, c’est que la mode actuelle ne cherche plus à effacer ses faux pas : elle les revendique et les revisite.
En 2025, la basket compensée incarne parfaitement ce jeu de miroir avec le passé. Elle symbolise une génération qui, au lieu de fuir ses excès stylistiques, choisit de les embrasser avec ironie, distance — et un brin de sincérité.
Article de Julie Boone.