Que dit le retour du « bumster » sur la mode féminine d’aujourd’hui ?

Oct 12, 2025 | Brands, Fashion, Style

Longtemps décriée, la taille ultra-basse refait surface sur les podiums. En première ligne : Sean McGirr, directeur artistique d’Alexander McQueen, qui ressuscite le mythique bumster. Un geste à la fois symbolique et stratégique pour la maison britannique.

Un héritage culte réactivé

Deux ans après sa prise de fonction, Sean McGirr continue de modeler l’héritage laissé par le regretté Alexander McQueen. Pour le printemps-été 2026, il fait revenir sur le devant de la scène une pièce emblématique : le bumster, ce pantalon taille ultra-basse imaginé en 1993.

À l’époque, McQueen bousculait les conventions en redessinant la silhouette : allonger le torse, dévoiler la naissance des fesses, et surtout, remettre en question la bienséance vestimentaire. Radical à sa création, le bumster est devenu une signature historique.

Avant lui, Sarah Burton l’avait déjà revisité en 2023, juste avant son départ pour Givenchy. Aujourd’hui, McGirr reprend le flambeau – et ce n’est pas anodin.

Dans un contexte économique tendu pour le groupe Kering, qui cherche à redynamiser ses maisons phares, ce retour aux origines sonne comme une manœuvre stratégique : replonger dans les archives pour affirmer l’identité de la marque. Un pari risqué, mais calculé.

Une féminité assumée, entre tailoring et provocation

Pour la première fois, la collection printemps-été 2026 de Sean McGirr se concentre exclusivement sur le vestiaire féminin. Et c’est le bumster qui en devient la pièce pivot.
Décliné en pantalon de costume, en jupe taille basse ou en short utilitaire, il structure un vestiaire hybride, entre coupes grunge et tailoring précis.

Ici, la sensualité n’est plus cantonnée à la minceur extrême façon Kate Moss : les courbes sont pleinement embrassées. Les jupes et pantalons descendent sur les hanches, accentués par de larges poches latérales.

Le geste est fort : montrer le corps, oui, mais sans le réduire à un simple objet de désir. Le vêtement se fait armure autant que séduction.

L’ambiance du défilé, elle, évoque la renaissance de l’esthétique indie sleaze : eyeliner dégoulinant, vestes officier portées à même la peau, silhouettes effrontées. Une féminité libre, imparfaite et provocante.

Un ultra-sexy encore trop genré

Mais derrière cette sensualité revendiquée, une limite persiste. Sur le podium, aucune silhouette masculine. Le discours du corps libéré reste donc cantonné au féminin.
Le string visible au-dessus du pantalon, les mini-jupes ceinture et les coupes ras-du-corps rejouent la provocation des années 2000 — mais sans réelle remise en question du regard qu’elles provoquent.

En comparaison, Anthony Vaccarello chez Saint Laurent pousse plus loin la subversion : lorsqu’il habille ses mannequins masculins de cuissardes ou de corsets, il brouille volontairement les codes de genre. McGirr, lui, séduit plus qu’il ne déstabilise.

Visuellement, la collection fonctionne : les archives sont respectées, les codes Y2K digérés, la construction impeccable.
Mais si le geste rend hommage à l’esprit McQueen, il reste en deçà de son irrévérence. En ramenant le bumster sans le réinventer fondamentalement, Sean McGirr signe une collection efficace, mais sage — plus nostalgique que subversive.