Roland-Garros, Grand Chelem mode 

Juin 5, 2025 | Culture, Fashion

À Roland-Garros, le style ne se joue plus uniquement raquette en main. Dans les tribunes comme sur le court, l’allure prend le dessus, imposant le tennis comme une scène de mode à part entière. À mesure que la discipline se détache de son image élitiste, le tournoi parisien confirme son statut d’événement où se croisent performance sportive et esthétiques affirmées.

Longtemps associé à une certaine idée du classicisme bourgeois, le tennis évolue. Fini l’uniforme figé : le polo et la jupe plissée se réinventent, revisités par les jeunes générations et les créateurs. Roland-Garros ne se limite plus au sport de haut niveau : c’est devenu un terrain d’observation, voire d’expérimentation, pour les grandes maisons de mode. Entre spectateurs stylés et athlètes audacieux, les silhouettes s’affichent comme autant de reflets des mutations culturelles en cours.

Une élégance née dans les stations balnéaires du XXe siècle

Avant de devenir le show international qu’on connaît, le tennis était un loisir aristocratique pratiqué dans les stations balnéaires et les clubs huppés. Les tenues y répondaient à des codes stricts : chemises à col rigide, jupes longues, corsets. C’est dans les années 1920 que le sport bascule dans la modernité, notamment grâce à Suzanne Lenglen. Égérie de Jean Patou, elle incarne une nouvelle liberté de mouvement, entre jupes plissées, cardigans souples et bandeaux dans les cheveux.

Chez les hommes, René Lacoste révolutionne les vestiaires avec son fameux polo en maille piquée, orné d’un petit crocodile. Une pièce pensée pour le confort, devenue un symbole mondial.

Les joueuses font bouger les lignes 

Plus encore que leurs homologues masculins, les joueuses ont transformé le terrain en plateforme d’expression. Serena Williams, en tête de file, a fait du style un véritable prolongement de sa puissance. De sa combinaison noire en simili-cuir à sa robe fluo dos-nu, elle n’a cessé de repousser les frontières du vêtement sportif. En 2018, de retour après son accouchement, elle enfile une combinaison moulante noire pour des raisons médicales — aussitôt interdite. L’année suivante, sa réponse prend la forme d’une tenue manifeste signée Nike x Off-White, ornée des mots Mother, Champion, Queen.

Maria Sharapova, dans un registre plus classique, marque également les esprits par une élégance épurée : tulle, drapés, marinières… son vestiaire sur mesure épouse chaque tournoi avec précision.

Chez les hommes, la prise de risque stylistique reste plus discrète. Roger Federer, figure de raffinement, séduit par sa sobriété. Andy Roddick, lui, affiche une cool attitude qui contraste avec l’allure stricte d’un Novak Djokovic ou l’aura vintage d’un Fred Perry.

Roland-Garros, terre de mode 

À mesure que les récits autour du tennis se diversifient, Roland-Garros devient un territoire convoité par les marques. Dernière démonstration en date : Lacoste, sponsor historique du tournoi, qui a investi le court Suzanne-Lenglen en mars dernier pour présenter sa collection automne-hiver 2025. 

Les invités étaient installés directement sur le terrain, assistant à un défilé où la jupe plissée se transforme en sac, et où les hommes osent la jupe-pantalon. Pelagia Kolotouros, issue du monde du sportswear (The North Face), insuffle à la maison française un vent de fraîcheur et de fluidité.

Le tennis-core, la tendance phare de l’été dernier 

L’été dernier, la tendance tennis-core a envahi les réseaux sociaux et les podiums. Propulsée par Challengers de Luca Guadagnino, avec Zendaya en tête d’affiche, elle a trouvé une nouvelle ambassadrice. Habillée par Loewe lors de la promotion du film, l’actrice américaine a enchaîné les looks percutants, dont une paire d’escarpins incrustée d’une balle de tennis, imaginée par Jonathan Anderson.

Plus qu’un sport, le tennis devient un langage visuel et culturel. Roland-Garros incarne aujourd’hui cette fusion entre tradition et nouveauté, où la grâce des gestes rivalise avec l’audace des looks. La preuve qu’aujourd’hui, sur la terre battue comme dans les tribunes, la mode marque des points.

Article par Julie Boone