Cravate, de l’uniforme rigide à l’accessoire subversif 

Juin 3, 2025 | Fashion

Longtemps associée aux bancs d’école ou aux réunions corporate, la cravate vit aujourd’hui une véritable mue stylistique. Détournée, hybridée, réinventée : elle se fait désormais l’écho d’une mode plus libre, plus inclusive, loin de ses origines strictement normées. Zoom sur un accessoire en pleine réinvention.

Impossible d’évoquer la cravate sans penser au costume masculin classique. Depuis le XIXe siècle, elle incarne le sérieux, la discipline et le pouvoir. Dans le monde professionnel, elle a longtemps représenté le respect des codes et de la hiérarchie. Mais bien avant cela, la cravate était déjà un marqueur social réservé à une certaine élite. C’était le détail qui signait l’appartenance à une classe, à un cercle.

Une première révolution timide 

Dans les années 60, les contre-cultures — punk, hippie, mods — s’approprient l’accessoire à leur façon. La cravate devient large, colorée, parfois grotesque, comme un pied de nez à l’autorité qu’elle incarnait. Les années 80 en font un objet de pouvoir flamboyant dans les bureaux, avec des versions imposantes et saturées. Ce n’est qu’un début : le terrain est prêt pour les relectures plus radicales qui suivent.

Et les femmes dans tout ça ?

Elles n’ont pas attendu le XXIe siècle pour adopter la cravate. 

Dès les années 30, Marlene Dietrich l’arbore avec aplomb, jouant de l’ambiguïté avec une élégance folle. Mais c’est Yves Saint Laurent, dans les années 70, qui inscrit la cravate au panthéon de la mode féminine. Son smoking iconique marque une rupture : la cravate devient symbole d’émancipation, d’affirmation et d’égalité.

Aujourd’hui, l’officewear opère un retour en force. Chez Saint Laurent (automne/hiver 2025), la cravate est au cœur de silhouettes structurées, empruntées au vestiaire masculin, twistées avec une sensualité assumée. Le costume-cravate devient l’uniforme des femmes de pouvoir — sur les podiums comme sur le tapis rouge.

Nombreuses sont les personnalités publiques à l’avoir adoptée sur tapis rouge. Exit la robe fourreau inconfortable, place au costume-cravate, qui assure une plus grande liberté de mouvement — et l’élégance d’arriver, les mains dans les poches. Décalée avec des escarpins ou portée à même la peau, la cravate devient une déclaration d’indépendance et d’assurance.

Tordre le cou à la tradition 

Libérée de son contexte traditionnel, la cravate investit le streetwear. Portée sur un hoodie, un t-shirt, un look oversize, elle perd son sérieux mais gagne en attitude. Les créateurs s’en emparent pour la détourner avec humour, poésie ou irrévérence : crochetée, froissée, en soie, en cuir, recomposée… Elle devient matière à expérimentation.

Chez Gucci, elle se transforme en bijou discret ou disparaît en ton sur ton. Schiaparelli ose la version surréaliste, faite de mèches de cheveux. Hodakova la repense à partir de collants recyclés, Willy Chavarria la fait jaillir d’un col ultra fermé, Vaquera joue les proportions XXL et Egonlab la fait voler comme une écharpe graphique. Chaque vision réinvente la cravate avec un sens aigu de la narration.

Objet de contrainte hier, la cravate devient aujourd’hui un terrain de jeu stylistique. Elle ne dicte plus : elle accompagne, nuance, affirme. À l’image de notre époque, elle refuse les cases et célèbre la pluralité des identités. L’accessoire figé est devenu un étendard mouvant, chargé de sens.

Article de Julie Boone.